On lit quoi ? #1

Ce livre, c’est comme « Des linguinis carbonara. Ça met de la mine dans le crayon, tu vas voir. »

 

 

Ce livre, ça fait des mois que je l’ai lu. Je me souviens très bien l’avoir englouti en quelques jours, l’été dernier, alors que tout ça ne paraissait pas si loin.

Tout ça, c’est ce monde qui disparait, doucement, dans la brume de nos souvenirs… celui, de la restauration.

Je ne parle pas de la restauration d’œuvres d’art, je parle bien de l’univers de la bouffe.
Restauration de l’estomac, restauration des papilles, restauration du plaisir, on pourrait dire.

Mais dans cette histoire, on n’est pas du côté du client, donc ni des papilles, ni du plaisir, mais plutôt de la sueur, de la crasse, et de la violence.
C’est un microcosmos, avec son jargon, son rythme, et surtout ses règles.
Une sorte de vortex autant galvanisant qu’épuisant.

Un équilibre entre calme et tempête.

Qui sauve ou qui coule.

Et évidemment, je crois qu’il ne pouvait pas y avoir de langue plus adaptée que le québécois pour illustrer la vie bouillonnante de ces coulisses.

Préparez-vous donc au grand plongeon, sans masque ni tuba, mais avec – au mieux – une bonne paire de gants, pour vous jeter aux côtés du narrateur qui vient de dégoter son premier job, plongeur.

Son problème ce n’est pas tant d’être lent, inexpérimenté, ou de se laisser marcher sur les pieds… parce que tout ça, ça s’apprend, ça peut s’améliorer et il va s’améliorer.

Son problème à lui, c’est qu’il joue.

Il joue avec le peu d’argent qu’il a, avec le peu d’argent des autres et avec l’argent qu’il n’a plus mais qu’il pense quand même pouvoir avoir. Bref, c’est un toxico des loteries vidéo, et plus ça va, moins ça va.

Je crois que je n’ai jamais eu autant envie de sauver le narrateur que de lui foutre la tête entière dans son dishwasher.

Jamais un personnage ne m’a autant agacée par son manque de volonté, par sa capacité à tout foutre en l’air alors qu’il avait fait les efforts les plus durs, et par son habilité à s’enfoncer toujours plus.

Mais en même temps, j’étais comme lui, à chaque fois, j’y croyais un peu, beaucoup, et puis plus du tout. Et j’avais presque envie de lui dire : vas-y mon coco, de toute façon, c’est perdu d’avance !

C’est terrible quand tu sais que le cheum n’a que 20 ans, mais quand tu te bousilles déjà tout seul et que tu rentres dans un métier qui va te bousiller encore plus, le crash semble inévitable. Et pourtant…

Et pourtant, au milieu du bouillon de la restauration, des fracas des services tendus, des fameux « rushs », de l’alcool et de la vie la nuit, il est possible aussi de trouver en ses partenaires des sortes de bouées de secours.

Ce mois-ci encore, on sera tous chez nous à nous préoccuper de nos repas quotidiens et de notre propre plonge, on se rappellera avec nostalgie la dernière fois où l’on a été servi et où l’on n’a pas réfléchi au temps que prendrait le récurage du plat du délicieux gratin que l’on venait d’engloutir. On se rappellera que c’était bon de laisser ces tâches aux autres.

Et je pense que c’est le bon moment, cette fois-ci, de penser à ces autres en particulier.

 

 

Alors, je vous invite à découvrir ce mois-ci le plongeur, le premier roman de Stéphane Larue.

 

 

Un petit bijou au milieu de la vaisselle sale.

 

 

Julia / Poisson-Plumes